L’ancien Premier ministre italien, Enrico LETTA, a remis son rapport sur l’avenir du marché unique aux 27 dirigeants réunis pour un Conseil européen extraordinaire le 18 avril dernier à Bruxelles.
Alors que le marché unique européen, initié par Jacques DELORS en 1993, fêtait ses 30 ans l’année dernière, ce document intitulé « Beaucoup plus qu’un marché unique – RAPIDITÉ, SÉCURITÉ, SOLIDARITÉ - Donner au marché unique les moyens d'assurer un avenir durable et la prospérité de tous les citoyens de l'UE » explore les pistes nécessaires pour le réformer et ainsi permettre à l’Union européenne de rester une puissance économique qui compte face aux Etats Unis et qui soit en capacité d’investir massivement dans la transition écologique, numérique ou encore la défense.
Enrico LETTA souligne dans ce rapport que le marché unique était au moment de son lancement « adapté au monde de l'époque et s'est avéré un formidable stimulant pour l'économie européenne, ainsi qu'un puissant facteur d'attractivité. Aujourd'hui, plus de trente ans après sa création, le marché unique reste une pierre angulaire de l'intégration et des valeurs européennes, servant de puissant catalyseur pour la croissance, la prospérité et la solidarité. Cependant, le scénario international a profondément changé, soulignant la nécessité de développer un nouveau marché unique ».
Il rappelle également que « Le succès du marché unique dépend non seulement de sa compétitivité et de sa sécurité, mais aussi de sa capacité à bénéficier à tous les citoyens européens et à recueillir leur soutien.
Pour réussir, le marché unique doit tenir ses promesses de prospérité partagée. Nous devons nous efforcer de continuer à garantir la libre circulation des personnes, mais aussi d'assurer la "liberté de rester". Dans cet objectif le rapport souligne que « Des services d'intérêt général (SIG) accessibles, abordables et adaptables dans toutes les régions de l'UE sont essentiels pour garantir la liberté de séjour, ce qui nécessite un plan d'action pour des SIG de qualité en Europe .»
Le rapport évoque ainsi le besoin d’investir dans les SIG, un pilier essentiel du modèle social européen et de l'économie sociale de marché. Il rappelle que le cadre juridique européen permet aux autorités compétentes de veiller à ce que les citoyens de l'ensemble de l'Union puissent bénéficier de SIG de grande qualité et mentionne le Socle européen des droits sociaux qui vise un certain nombre de services essentiels. Cependant, les lacunes existantes dans la fourniture du service universel au niveau de l'UE empêchent un certain nombre de citoyens de l'UE d'accéder effectivement au marché unique : des obstacles importants liés à ces différentes dimensions, tels que les faibles revenus, la vieillesse, les handicaps, les inégalités territoriales, le manque d'infrastructures et la ségrégation spatiale, rendent encore difficile l'accès aux services essentiels pour certaines personnes dans l'UE, relève également le rapport.
Enrico LETTA rappelle que « seule une approche structurée et un investissement constant dans les services d'intérêt général peuvent garantir que cette liberté est pleinement exercée et que tous les territoires sont équipés d'une infrastructure physique et sociale solide donnant à tous les types de citoyens et d'acteurs économiques et sociaux la possibilité d'exercer une véritable liberté de choix quant à l'endroit où vivre, travailler et faire des affaires en Europe. Les services d'intérêt général doivent recevoir la valeur et les moyens appropriés pour jouer un rôle vital au sein du marché unique à un niveau permanent et non comme le "mal nécessaire" ou le "dernier recours" face à une défaillance du marché ou à une crise sans précédent nécessitant une intervention publique ».
Si l'UE continue d'adopter des approches fragmentées des SIG par le biais de législations sectorielles, elle ne disposera pas d'une vision cohérente et holistique des SIG. Cela conduit actuellement à l'émergence d'une jurisprudence croissante de la CJCE relative aux SIG, dans laquelle les tribunaux sont appelés à combler les lacunes laissées par le législateur sur plusieurs aspects au cœur de la définition et des activités des prestataires de services d'intérêt général. Cela conduit à une fragmentation accrue, à l'incertitude et contribue à la création d'un vide juridique. Un premier pas vers plus de cohérence consisterait à mettre en place un plan d'action pour des SIG de qualité en Europe.
Philippe LAURENT, Maire de Sceaux, Président de l’AFCCRE et Louis GISCARD D’ESTAING, Maire de Chamalières, Président de la Commission Europe et services publics locaux de l’AFCCRE soulignent la pertinence des constats et propositions formulées par le rapport LETTA et rappellent que « du bon fonctionnement des services publics locaux et régionaux, dans l’ensemble des territoires, au bénéfice et au plus près de l’ensemble de la population, dépend la « matérialisation » des réponses européennes aux principaux défis et crises auxquels nous devons collectivement faire face ».
Les services publics, notamment locaux et régionaux sont des éléments importants et structurants de la relation entre l’UE, les collectivités territoriales et les citoyens et citoyennes. Ils doivent être au cœur des réflexions conduites à l’échelle de l’Union sur la relance du projet européen et disposer d’un cadre juridique et financier facilitateur. A ce titre, et en écho aux préconisations du rapport, l’AFCCRE appelle à un rééquilibrage des priorités d’intervention de la politique de cohésion vers les services publics et les investissements réalisés par les collectivités territoriales.
Par ailleurs, la « relance » d’un intergroupe services publics » au sein du Parlement européen, que nous soutenons, pourra sans nul doute contribuer à alimenter les réflexions et propositions relatives au plan d’action européen pour des SIG de qualité qu’appelle de ces vœux Enrico LETTA.