Les Entretiens de l'AFCCRE - Laurent WATRIN, Adjoint au Maire de Nancy, Président de la Commission « Europe et participation citoyenne » de l’AFCCRE

25 avril 2024

Laurent Watrin

Laurent WATRIN, est Adjoint au Maire de Nancy (Meurthe et Moselle), Conseiller Délégué de la Métropole du Grand Nancy, et Président de la Commission « Europe et participation citoyenne » de l’AFCCRE.

L’Europe est confrontée au retour de la guerre, à la montée des nationalismes et des mouvements europhobes dans de nombreux pays. A quelques mois des élections européennes, que peuvent mettre en œuvre les collectivités territoriales pour promouvoir le projet européen et inciter le plus grand nombre de citoyens à voter ? Quelles initiatives avez-vous mis en place à Nancy ?

A Nancy, nous avons la chance de vivre dans une région très européenne. L'Université de Lorraine est la plus franco-allemande de France. Nous avons un Centre Europe direct, un Goethe Institut, un campus franco-allemand de Science-Po, un mouvement européen jeunes très actif... Nous fêterons l'an prochain les 70 ans de notre jumelage de villes avec Karlsruhe, et ce partenariat vient de s'élargir à nos amis ukrainiens de Vinnytsia. Les entretiens franco-allemands de Nancy, avec un événement phare grand public et des ateliers spécifiques pendant l'année, permettent de partager des expériences et des visions avec nos voisins. Cet environnement, très favorable aux valeurs et aux liens européens, mobilise aussi les habitants. En mai, les conseils de quartier participent à la fête de l'Europe, soutenue par l'ensemble de l'équipe municipale et le Maire-Président de la Métropole, Mathieu Klein. C'est une belle occasion de rappeler les valeurs de l'UE, le rôle du parlement européen et l'intérêt de voter en juin. Une campagne d'affichage pour appeler au vote est aussi prévue dans les transports en commun de l'agglomération nancéienne. Lorsque nous proposons, au sein de la collectivité, des mesures pour favoriser l'égalité femmes-hommes et lutter contre les violences sexistes, c'est aussi une façon de mettre en œuvre concrètement les valeurs et droits fondamentaux de l'Union européenne. Des initiatives européennes peuvent exister partout, même lorsque nous habitons loin de nos voisins européens.  
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Par exemple, à la Métropole du Grand Nancy, nous avons instauré une journée de sensibilisation destinés aux agents. Cette journée est intitulée : "l'Europe c'est nous". Il s'agit de partager des bonnes pratiques, informer les agents sur les opportunités que les politiques européennes permettent pour le territoire et rappeler l'existence de réseaux comme l'AFCCRE. Nous cherchons aussi à faire comprendre aux agents que, dès le démarrage d'un projet local, il convient de s'intéresser aux programmes européens pour soutenir le dossier et partager des bonnes pratiques. L'idée européenne doit s'inscrire dans la durée si nous voulons toucher le plus grand nombre et parler aux habitants. Les ressources humaines des 20 communes du Grand Nancy et de l'EPCI Métropole représentent presque 4.000 agents territoriaux et personnels contractuels pour un bassin de 265.000 habitants. Ces agentes et agents sont les premiers passeurs du message européen dans le cadre de leur mission de tous les jours.

Je veux souligner un aspect, essentiel à mon avis, pour diffuser ce message européen : "l'Europe, c'est nous", c'est aussi les marchés publics. Quand une commune lance un appel d'offre, signe des contrats avec des entreprises, c'est de l'argent public qui s'inscrit dans un cadre européen, renforcé depuis la directive de 2014. Le sujet peut paraître technique - il l'est, c'est vrai - mais nous pouvons en parler simplement : la "commande publique" suit nos règles communes européennes, notamment la mise en concurrence et la transparence. Ces règles sont démocratiques puisque nos dirigeants d'États ont choisi ce cadre commun, validé par les députés européens. Ce cadre, qui doit évoluer, permet à toutes les collectivités de l'UE de parler un langage commun. Et la commande publique concerne aussi les budgets participatifs citoyens (1 million d'euros d'investissement annuel à la ville de Nancy). Par conséquent, les élus et les agents peuvent communiquer sur cette réalité et la faire entendre aux habitants.

Enfin, je fais partie des élus qui répètent aux agents de la collectivité qu'ils et elles peuvent contacter directement les services de la Commission européenne afin de poser des questions et de faire remonter des alertes. Les fonctionnaires européens (30 mille personnes pour plus de 450 millions de citoyens européens) sont à l'écoute des territoires. Lors de notre dernière visite d'élus à Bruxelles, nous en avons eu confirmation. C'est une chance. Europe et local sont liés.

Vous êtes le président de la Commission « Europe et participation citoyenne » de l’AFCCRE et vous avez participé à la rédaction du Manifeste de l’AFCCRE dans la perspective des élections européennes. Pourriez-vous nous présenter quelques points clés de ce manifeste ?

D'abord, les trois premiers points du Manifeste mettent l'accent sur les valeurs humanistes de l'Union, l'autonomie nécessaire des décisions locales, la bonne gestion et la transparence. C'est une manière - transpartisane - de rappeler que, au-delà des grandes déclarations étatiques et loin des envolées populistes de certains candidats "hors sol", le projet européen repose sur l'action territoriale dans le respect d'un socle commun. Cela est impératif pour discuter le rapprochement de l'Ukraine avec l'UE et aussi pour remettre les pendules à l'heure avec des Etats-membres tentés par l'autoritarisme.

Ensuite, le Manifeste souligne la nécessité de faire évoluer la commande publique (j'y reviens !) et de mieux doter l'investissement public territorial. Pourquoi ? Pour accélérer la mise en œuvre du Pacte Vert. Je dis souvent que la commande publique demeure "l'angle mort" du Green Deal. Il faut faire évoluer cette règlementation pour accélérer les transitions écologiques. Cela a déjà commencé sur l'alimentation, notamment grâce aux réseaux d'élus qui alertent sur la nécessité de trouver des fournisseurs en circuits courts.

Enfin, si l'Europe est perfectible et si les procédures pour bénéficier des fonds européens sont lourdes, c'est la posture de l'État qui doit être discutée. C'est aussi un point saillant de ce Manifeste : nous disons, par delà de nos sensibilités politiques, que "l’UE doit disposer d’une capacité budgétaire renforcée, déconnectée de la contribution des Etats et simplifiée". Le dialogue permanent entre les Institutions européennes et les collectivités territoriales joue donc un rôle essentiel pour faire entendre à nos Etats l'urgence de "faire Europe ensemble" et de travailler, ensemble, la capacité des services publics locaux. Face aux urgences climatiques, au besoin immense d'investissement, ce dialogue sera un enjeu clé de la prochaine mandature européenne. Les citoyens doivent y penser avant de choisir pour qui aller voter en juin.