Résumé des travaux des Premières Rencontres France-Serbie à Lyon - 22 mars 2023

Une cinquantaine de responsables venant des collectivités locales, de l’enseignement supérieur, d’entreprises et d’organismes économiques français et serbes étaient réunis à Lyon, à l’occasion des premières Rencontres France-Serbie qui ont eu lieu les 21 et 22 mars 2023 à l’invitation de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

Ce temps de travail était proposé par l’AFCCRE dans  le  cadre  de  sa  Commission « Europe et Voisinage » Présidée Sladana ZIVKOVIC, Adjointe au Maire de Dijon, Vice-Présidente de Dijon-Métropole, en partenariat avec la Conférence Permanente des Municipalités et Villes Serbes et en lien avec les ambassades de France et de Serbie.

Ces rencontres présidées par Philippe MEUNIER, Vice-Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes en charge des relations Internationales, bénéficiaient par ailleurs du soutien de la Délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

• Contexte

La Serbie est l’un des deux premiers pays des Balkans occidentaux à avoir engagé les négociations d’adhésion avec l’Union européenne. Ce pays a par ailleurs noué avec la France une relation étroite qui a été interrompue à plusieurs reprises par les soubresauts de l’Histoire.

Cette initiative s’inscrivait dans le prolongement de la rencontre France-Balkans-Europe organisée le 29 novembre dernier à Dijon. Elle illustre la démarche que l’AFCCRE a souhaité engager dans le même esprit que lors des précédents élargissements de l’Union européenne (notamment avec la Roumanie, la Pologne, la Bulgarie) ; L’objectif de cette rencontre était de de valoriser la contribution des collectivités territoriales à l’intégration européenne à travers le dialogue entre élus locaux, les partenariats entre collectivités, sans oublier les échanges dans le monde de l’éducation et de l’enseignement, ni les économiques et commerciales.

Les échanges entre la France et la Serbie sont encore peu nombreux, que ce soit entre les collectivités territoriales - à peine une dizaine de jumelages ou partenariats existent entre villes serbes et françaises- ou dans l’éducation, dans le monde associatif et dans la société civile. Ce rendez-vous avait pour but de mieux faire connaître les enjeux relatifs au processus d’adhésion de la Serbie à l’UE et de proposer un dialogue franco-serbe avec comme toile de fond le processus l’élargissement de l’UE.

Pour l’AFCCRE, qui a toujours soutenu l’intégration européenne des Balkans, le contexte est particulièrement favorable grâce aux initiatives engagées par l’UE en 2022. D’une part la Conférence européenne sur les Balkans occidentaux de juin 2022 s’est traduite par l’ouverture des négociations avec la Macédoine et l’Albanie, Puis les 27 ont décidé d’accepter les candidatures de l’Ukraine et de la Moldavie à l’entrée dans l’Union européenne.

• Déroulement

Les rencontres ont débuté, le 21 mars, par une visite de terrain au Campus du Numérique à Charbonnières-les-bains où les participants serbes ont pu se familiariser avec l’Ecole 42. Il s’agit d’un établissement privé d’enseignement supérieur qui forme des développeurs du numérique selon des principes pédagogiques innovants tels que la pédagogie de projet, l’apprentissage de pair à pair. Dans un deuxième temps le groupe de représentants serbes s’est rendu au Salon national de la transition énergétique qui présentait les dernières techniques en la matière.

En ouverture des travaux, le 22 mars, Philippe MEUNIER a rappelé les liens historiques entre la France et la Serbie. D’abord avec l’acte fondateur que constitue l’établissement d’un consulat de France à Belgrade en 1839. Puis durant la Première guerre mondiale, sur le Front d’Orient, avec la fraternité d’arme au sein de l’alliance franco-serbe pour la libération de la Serbie. Il a également souligné l’attachement que la Serbie a toujours exprimé pour la francophonie, thème sur lequel la Région souhaite s’investir dans le cadre de sa politique européenne et internationale.

Sladana ZIVKOVIC a souligné que l’AFCCRE soutient pleinement l’intégration de la Serbie à l’Union européenne. Elle a salué l’avancée des négociations d’adhésion avec l’Union européenne, tout en précisant que l’esprit du projet européen et le respect des valeurs de l’Union ne doivent jamais être perdus de vue. Selon elle « la défense des valeurs démocratiques est essentielle dans la voie des Balkans vers l’UE ».

Goran CVETANOVIĆ, Maire de Leskovac et Président de la Conférence permanente des Municipalités et Villes Serbes, a présenté les différentes actions que son organisation développe pour préparer les collectivités serbes à l’adhésion à l’UE et pour porter leur voix dans les discussions. Il s’est félicité du partenariat étroit établi avec l’Ambassade de France en Serbie afin d’accompagner les collectivités locales et leurs élus dans le processus d’intégration européenne.

A ce propos, Stanislas PIERRET, Conseiller de coopération et d’action culturelle et Directeur de l’Institut français à l’Ambassade de France en Serbie, a présenté le Concours « Ekoopstina » que l’Ambassade propose aux municipalités serbes afin de les encourager dans la mise en œuvre de politiques de développement durable.

Après avoir rappelé que la visite du Président Emmanuel Macron à Belgrade en 2019 a permis de relancer les relations bilatérales, Nataša MARIĆ, Ambassadrice de Serbie en France, a précisé que son pays est officiellement candidat à l’entrée dans l’UE depuis 2012. Elle a indiqué que les négociations d’adhésion ont été ouvertes en 2014 et que 22 des 35 chapitres de négociations ont été ouverts. « Nous ne sommes pas satisfaits du rythme des négociations même si nous comprenons un certain nombre de contraintes » a-t-elle déclaré. Elle a évoqué la question délicate de la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina et plaidé pour « un pilotage politique plus fort du processus d’adhésion ». Elle a enfin exprimé le souhait que la Serbie soit admise comme membre à part entière au sein de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) à l’occasion de son prochain sommet prévu en France en 2024.

• Echanges, coopérations, projets

La première table ronde s’intitulait « travailler ensemble, les coopérations franco-serbes » avec la contribution de trois intervenants :

• Xavier d’ARGOEUVES, Délégué-adjoint pour l’Action Extérieure des Collectivités Territoriales (DAECT), Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, a passé en revue les différentes mesures de soutien du Ministère. Il a notamment évoqué les appels à projets thématiques ou généralistes qui sont ouverts aux collectivités françaises qui travaillent avec des partenaires serbes.
• Vera BLAGOJEVIĆ, Directrice générale des services de la ville de Čajetina, 15 000 habitants, a été invitée à présenter les différents projets que sa ville a souhaité valoriser dans le cadre du concours Ekoopstina dont la construction d’un téléphérique, une visite d’étude sur le recyclage des déchets et l’organisation d’une « Caravane du climat » en partenariat avec l’Institut Français.
• Ivica JOVIC, Maire-Adjoint d’Epône, a évoqué le jumelage officialisé en 2018 avec la ville serbe de Prokuplije dans laquelle se trouve un monument en l’honneur du général Charles Tranié l’un des commandant de l’Armée d’Orient qui combattu aux côté de l’Armée serbe durant la Première Guerre Mondiale. Il a évoqué le projet de Prokuplje d’organiser un projet sportif international avec Epône et ses autres villes partenaires en 2024 dans le contexte des jeux olympiques.

Un certain nombre de projets ont également été présentés dans le cadre de coopérations universitaires entre établissements et unités de la région Auvergne-Rhône-Alpes et des partenaires Serbes à Belgrade ou à Novi-Sad avec les contributions de Pascal DUPEUX, Professeur Département Génie Biologique de l’IUT de Lyon, Sylvia GHILESAN, Université de Novi Sad (en visio conférence) et de Helga FOURE-JOOPEN, Professeur de Management Interculturel, à l’Ecole supérieure de Commerce de Clermont-Ferrand. Parmi les initiatives engagées parfois de longue date, Ils ont évoqué des échanges entre enseignants pour la co-construction de cours dans le cadre des échanges entre étudiants. Ils ont souligné qu’il était important d’intégrer l’apprentissage de la langue dans les mobilités proposées aux jeunes durant leur séjour en France ou en Serbie. Ils ont insisté sur la nécessité « d’aller à l’Est », tout en précisant qu’il est parfois difficile de convaincre certains étudiants d’aller dans un pays comme la Serbie qui est moins connu des Français que les pays membre de l’UE par exemple alors que la France reste très attractive pour les jeunes des Balkans.

• La Dimension européenne dans nos territoires

La session s’est poursuivie par un échange qui a permis à trois intervenants de s’exprimer sur la relation entre l’Europe et les collectivités territoriales. Aleksandra VUKMIROVIC, Chef d’Unité à la Conférence permanente des Municipalités et Villes Serbes (SKGO) a déclaré que « nous voyons l’Europe comme une communauté qui unit au- delà des différences ». Elle a détaillé les activités  de sensibilisation et de  formation  européenne  que  la SKGO développe  auprès  de  ses membres avec comme priorités le renforcement des capacités des collectivités territoriales serbes et leur reconnaissance dans le cadre des négociations d’adhésion. A cet égard la présence de son organisation dans les réseaux européens tels que le Conseil des Communes et régions d’Europe est très importante pour porter la voix des collectivités serbes et pour développer en leur sein une culture de l’Europe. Dans cet esprit, elle a indiqué que les communes serbes ont la possibilité d’ouvrir des poste de  « conseiller en intégration européenne » au sein de l’administration locale.

Joaquim PUEYO, Maire et Président de la Communauté Urbaine d’Alençon a rappelé que lorsqu’il était député à l’Assemblée nationale, membre de la Commission des affaires européennes (2012), il s’était intéressé à la politique de voisinage de l’Union européenne. Chargé de rédiger un rapport sur la Serbie, il avait fait le constat que le pays était déjà proche de l’acquis communautaire. Pourtant les négociations d’adhésion ouvertes depuis 2014  entre  la  Serbie et l’UE n’ont encore permis de clôturer aucun chapitre. Selon lui,  «il faut accélérer le processus d’élargissement car l’Europe sans les Balkans, ce n’est pas vraiment l’Europe ». Il a également souligné que le lien entre l’Europe et les collectivités locales n’est pas évident car les membres de l’UE sont les Etats. En revanche, les collectivités territoriales reçoivent le droit communautaire et elles ont également une capacité à se mobiliser. Les échanges entre villes sont une excellente manière de promouvoir et de partager les valeurs européennes et d’encourager les jeunes à y adhérer à travers des rencontres, des projets ou encore grâce au programme Erasmus. Il a plaidé pour le développement des jumelages et partenariats franco-serbes comme espaces d’échanges et de coopération utiles dans la perspective  de l’adhésion de la Serbie à l’UE.

Un autre exemple de relation intense entre une ville et l’Europe est l’expérience que Novi-Sad, deuxième ville de Serbie avec 350 000 habitants, a vécue en tant que Capitale européenne de la Culture en 2022. Dalibor ROŽIĆ, Conseiller municipal, en charge de la Culture à Novi-Sad, a précisé que la ville avait déposé sa candidature en 2016. Très fière d’être la première ville de Serbie à obtenir ce titre. la municipalité a travaillé d’arrache-pied pour proposer un ambitieux programme d’expositions, d’événements et de spectacles célébrant la devise de l’Union européenne : « Unie dans la diversité » .Le programme était composé de thèmes qui racontait l’histoire de l’Europe et de Novi-Sad sous l’angle des identités, des problématiques et des sujets relatifs à l’Europe. Environ 6 000 artistes ont pris part à près de 4 000 événements qui ont drainé une forte affluence sur le plan national et européen. D’anciens sites industriels et des usines désaffectées ont été réhabilités et restaurés pour recevoir des galeries d’art, des scènes de théâtre et de concerts et des lieux artistiques.

• Forum économique

La dernière partie des travaux était consacrée à un forum économique destiné à faire connaître les potentiels de la Serbie sur les plans industriel, commercial, touristique et de de promouvoir les opportunités d’affaire dans le pays.

Bogdan GADENNE-FEERTCHAK, Directeur des opérations à MEDEF International, a précisé que cette structure est une association d’affaires dont l’objectif est d’accompagner les entreprises dans leur développement à l’international en proposant notamment des missions d’entreprises qui rencontre les décideurs publics. Selon lui le processus d’intégration européenne de la Serbie et les accords bilatéraux qui en découlent sont un signe positif vers les entreprises françaises. A cet égard, il a évoqué l’Implantation de deux grands groupes dans la concession de Service publics, à savoir Vinci-Airports pour l’aéroport Nikola Tesla de Belgrade et Suez pour le centre de traitement des déchets de la ville de Belgrade à Vinça qui marquent l’accélération récente des investissements français en Serbie

Ce que Jovana MAJSTOROVIĆ, de la Chambre de Commerce de Serbie et Sanja IVANIC, Directrice générale de la Chambre de Commerce et d'Industrie France Serbie, ont confirmé en indiquant que 70% des investissements français dans les Balkans se trouvent en Serbie. Selon une étude publiée par la CCI France-Serbie (2020-2021) la présence économique française en Serbie se traduit par environ 120 entreprises françaises employant plus de 12 000 salariés. En 2019, les échanges commerciaux entre les deux pays s’élevaient à 1,1 milliards € (dont 603 millions € d’exportations et 501 millions € d’importations), la France étant le 6ème investisseur étranger en Serbie.

En revanche, Marija LABOVIĆ, Directrice de l’Office du Tourisme de Serbie a noté que les Français sont encore très peu représentés parmi les touristes étrangers en Serbie. Les plus nombreux viennent d’Allemagne, des pays voisins, de Grèce, de Roumanie ou encore de Turquie et Belgrade accueille 50% des touristes étrangers en Serbie. Elle a souligné les nombreuses marques d’intérêt pour la France à travers le monument de reconnaissance à la France construit en 1930 dans le parc Kalemegdan de Belgrade qui, en outre, compte un certain nombre de rues à connotation française. Elle a évoqué le Danube et ses forteresses ainsi que ses deux parc nationaux et zones naturelles protégées.

Parmi les premières entreprises françaises présente en Serbie figure le groupe Michelin dont la filiale Tygar Tires implantée à Pirot et qui produit 11 millions de pneus par an et dont le montant total des investissements s’élève à 420 Million €. Werner RUESS, de la Direction des Affaires publiques du groupe Michelin a tenu à exprimer quelques messages clefs pour l’avenir. Il a souhaité que la Serbie continue à avancer sur le chemin de l’adhésion à l’UE, que les infrastructures telles que le chemin de fer, l’approvisionnement en gaz et les énergies renouvelables se développent et que les échanges de jeunes se poursuivent entre Pirot et la France, notamment dans le cadre du Réseau des villes-Michelin fondé par Clermont-Ferrand.

Invitée à présenter les projets d’investissement dans la capitale Serbe, Vesna VIDOVIĆ, Adjointe au Maire de Belgrade, a tout d’abord précisé que sa ville est candidate pour l’Exposition Universelle de 2027. Elle travaille également sur le concept de ville intelligente. Enfin, la ville s’est lancée dans l’aménagement d’un parc comprenant une zone verte piétonnière. Elle a ensuite évoqué la construction du Métro qui a débuté en 2021, pour un budget estimé à 4,4 milliards € et qui implique deux entreprises françaises. La première est le Groupe EGIS, représentée par François DIGONNET, chef de projet, qui a indiqué que le groupe a réalisé l’étude de faisabilité dont le financement de la première phase a été assuré par un don de 8,3 millions € consenti en 2020 par la France à la Serbie. La deuxième entreprise française missionnée pour le futur Métro de Belgrade est Alsthom pour le matériel roulant pour un montant évalué à 500 millions €.

En clôture de la rencontre, les participants se sont prononcés sur la nécessité de poursuivre le dialogue en confiance entre la France et la Serbie. Ils ont réaffirmé que les collectivités territoriales peuvent et doivent prendre toute leur place dans le processus d’intégration européenne. Ils ont plaidé pour que les échanges et partenariats entre collectivités territoriales se renforcent et se multiplient tout en facilitant les investissements portés par les entreprises. Rendez-vous a par ailleurs été pris pour une deuxième édition des rencontres France –Serbie, la prochaine fois en Serbie, en 2024 ou 2025.